Date de publication :

19/02/2019

Modifié le :

19/02/2019

Travailleur culturel : quand l’épuisement émotionnel remet tout en question

Je connais une histoire qui parle d’épuisement, de stress, de limites, de passion. Une histoire comme il s’en raconte tous les jours dans le milieu culturel. Une histoire qui, heureusement pour celle-ci, finit bien. C’est la mienne, cette histoire. 

Apprendre à savoir tout faire

Pendant sept ans, j’ai œuvré comme directrice générale d’un organisme culturel qui a connu une forte croissance dans les dernières années. Oh, vite comme ça, ça fait très glamour dans un party, être « directrice générale » ; mais dans le secteur culturel, c’est souvent synonyme d’être partout à la fois, tout le temps. De la comptabilité aux demandes de subvention sans fin, en passant par l’accueil des visiteurs, la gestion des communications, la négociation de commandites, le nettoyage des planchers et l’entretien paysager, on peut dire que j’en ai développé des compétences au fil des ans. C’était exigeant, oui, tout à fait. J’avais cependant la chance inouïe d’être une immunisée naturelle contre le stress, j’adorais mon travail et surtout, j’étais épaulée au quotidien par ma famille. 

« les exploits qui sont attendus dans le milieu culturel font en
sorte que toute fragilité émotionnelle nous fait rapidement douter de notre capacité à
continuer »

L’épuisement émotionnel

Et puis, un jour, comme ça, tout a basculé. J’ai perdu l’une des personnes que j’aimais le plus au monde dans des circonstances particulièrement tragiques. L’explosion totale. D’un côté, je voyais mon conseil d’administration essayer tant bien que mal de prendre le relais à la tête de notre organisme, alors que tout se trouvait justement dans ma tête. Qui, elle, était clairement perdue dans les dédales du deuil. Nous avions deux gros événements, sur lesquels j’avais travaillé pendant des mois, qui approchaient et je n’arrivais pas à me résoudre à tout laisser tomber. La passion du métier, diront certains. En fait, c’est surtout que mon monde venait déjà de s’écrouler à moitié, pas question que l’autre moitié s’effondre aussi. J’ai tenté de reprendre les rênes pendant quelques semaines, le temps de lancer les deux événements. Mais la tristesse prenait toute la place et je n’arrivais tout simplement pas à être efficace au travail. Je suis partie et ne suis revenue que plusieurs mois plus tard, consciente et anxieuse des impacts considérables que ça aurait sur les gens qui prendraient le relais pendant mon absence. 

Le lot du travailleur culturel?

Est-ce que ça aurait été différent si j’avais travaillé dans un autre secteur? Difficile à dire, mais il demeure évident que les exploits qui sont attendus dans le milieu culturel font en sorte que toute fragilité émotionnelle nous fait rapidement douter de notre capacité à continuer. Depuis cet épisode, j’ai souvent réfléchi à la pression exercée sur les épaules des travailleurs culturels, que ce soit par le réseau autour ou par le travailleur lui-même. Une charge mentale tellement intense que lorsqu’il y a un déséquilibre dans la vie personnelle, c’est tout l’environnement de travail qui en souffre également. Un lot de responsabilités tel que le moindre bouleversement familial peut avoir des répercussions énormes.  

Des pistes de solution

Après mon retour, au fil des ans et en collaboration avec le conseil d’administration de l’organisme que je dirige, différentes pistes de solution ont été testées pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise : une implication plus active de la part des membres du conseil d’administration, une gestion des projets qui tient mieux compte des limites, des moyens et des ressources de l’organisme, l’embauche d’une deuxième employée, etc. Parmi ces différentes solutions, celle qui a le plus porté fruit est l’adoption d’une structure de codirection. 

La codirection ou la moitié de la charge mentale

Je pourrais vanter longuement tous les avantages de la codirection, que ce soit en termes de motivation, de partage, de confiance, d’inspiration et de soutien que cette structure stimule. Parmi tous les bienfaits de ce mode de gestion, le principal demeure, à mon avis, les responsabilités partagées sur quatre épaules, la moitié de la charge mentale par tête et donc, l’assurance que quelqu’un peut rapidement prendre le relais sans créer de remous, si nécessaire. C’est de s’épauler au quotidien, de réfléchir à deux sur l’avenir de l’organisme et, dans notre cas, d’établir un horaire pour la préparation du café et le nettoyage de la vaisselle.

Votre histoire, est-ce qu’elle se termine aussi bien?

 

La structure de codirection vous intrigue?

Culture Bas-Saint-Laurent mène actuellement une démarche documentée en ce sens : vous pouvez en savoir un peu plus ici