Date de publication :

10/05/2018

Modifié le :

10/05/2018

Il n’est pas question de vous, mais bien de votre œuvre

J’ai envie de repartager avec vous une réflexion que j’avais amorcée dans mon « Conseil de la semaine » du Webzine Les Méconnus.

Une réflexion sur quelque chose de sensible, de parfois douloureux, mais de souvent salvateur. Que l’on soit artiste, travailleur culturel ou juste un humain, savoir prendre la critique est essentiel pour s’améliorer.

 

Mon premier conseil aux artistes est :

Vous n’êtes pas votre art!

De mon côté, j’ai appris ça à la dure. Première année du bac en littérature, cours de création littéraire. À L’UQAR, les cohortes sont allègrement mélangées, ce qui fait qu’on se retrouve en sortant du Cégep avec des étudiants de troisième année qui ont lu environ 286 romans, essais, biographies

Moi? J’avais lu… tout Stephen King…et toute la Courte échelle, ah et les romans Frissons… bref je n’étais pas de niveau pour mon premier Rabelais et mon Exploréen n’était pas encore au point que Gauvreau me pardonne.

Dès les premiers cours, il fallait produire des textes de création, les soumettre à l’ensemble du groupe qui, la semaine suivante, devait vous critiquer. Ce fut douloureux. Je me demandais à l’époque pourquoi mon prof utilisait encore cette technique de torture médiévale. Puis, j’ai fini par comprendre. Je ne suis pas ce que j’écris.

«la critique la plus constructive qui soit peut être douloureuse si l’on s’entête à ne faire qu’un avec son travail»

Évidemment, tous les critiques ne se valent pas. Ici je ne parle pas du premier venu qui te crie un « T’es poche man » en commentaire d’un statut Facebook. Je parle, vous l’aurez compris, de critique constructive.

Mais la critique la plus constructive qui soit peut être douloureuse si l’on s’entête à ne faire qu’un avec son travail. Que ce soit des arts visuels, du cinéma, de la littérature, de la poésie, de la danse… TOUT se critique. Pendant son processus créatif, il est essentiel de confronter son travail au regard de l’autre.

Vous avez beau être le descendant direct de Jean-Paul Sartre, vous devez, en cours de processus, passer par l’étape de la critique. Tous les plus grands le font. En cinéma, on appelle ça parfois des « scripts doctors ». J’aime l’analogie médicale.

 

le détachement : pas évident, mais pas impossible

Concrètement, on fait comment pour ne pas se refermer comme une huître à la moindre critique pour ensuite aller se rouler en boule dans un coin? Excellente question.

Admettons que vous venez d’écrire une première version de votre premier recueil de poésie et un lecteur/critique vous dit quelque chose comme « Je crois que ce poème ne cadre pas dans ton recueil. Il sonne comme une fausse note. »

Ouch… Mais pas tant que ça.

Le lecteur\critique n’a aucune idée que vous avez travaillé trois semaines sans manger pour pondre ce texte. C’est exactement ce qu’on recherche quand on fait critiquer notre travail. En tant qu’artiste, on a la mauvaise habitude de s’attacher à notre matériel. Surtout celui qui a été douloureux à mettre au monde. Le lecteur\critique a peut-être tort, mais il a peut-être bien raison. Peut-être avez-vous laissé ce texte dans votre recueil uniquement parce que vous y avez mis beaucoup de sueur.

Pourtant, il n’est pas question de vous, mais bien de votre œuvre. Si vous arrivez à publier, personne ne va savoir quel texte vous avez écrit sur une napkin dans un café en cinq minutes et quel autre a été plus douloureux qu’un accouchement. Le lecteur va voir l’ensemble, un tout qu’on espère harmonieux et cohérent. Ce poème appartient peut-être seulement à un autre recueil. Peut-être a-t-il servi à activer vos méninges pour écrire le suivant.

 

«Vous avez beau être le descendant direct de Jean-Paul Sartre, vous devez, en cours de processus, passer par l’étape de la critique»

Gardez l’esprit ouvert

J’ai déjà jeté le 3\4 d’un scénario de 120 pages sur lequel je travaillais depuis plus de cinq ans suite à une séance de critique constructive. Après réécriture, le texte était meilleur à 200% et je n’avais pas l’impression d’avoir perdu cinq ans de ma vie. Tout le travail d’écriture qui avait été fait avait servi à forger les personnages, à définir des actions, à m’approprier l’histoire. L’œuvre terminée est souvent seulement la pointe d’un iceberg créatif.

 

Toute critique n’est pas forcément bonne, mais il faut savoir écouter et avoir l’esprit assez ouvert pour questionner ses propres choix.