Date de publication :

18/01/2019

Modifié le :

18/01/2019

La fatigue banalisée du travailleur culturel

Voilà, la période des fêtes est terminée. Tout le monde revient frais et dispo au travail, prêt à amorcer les prochains mois avec entrain. FAUX.

Bon ici, j’exagère un peu. Certains se sont réellement reposés même si le « congé des fêtes » me fait parfois penser à un « congé de maternité » c’est-à-dire absolument pas des vacances. Je vous parle de niveau d’énergie ici parce que j’aimerais aborder la question de la fatigue du travailleur culturel.

Évidemment, ce n’est pas uniquement le lot de ce secteur d’activité et c’est loin d’être la faute des dizaines de litres de lait de poule alcoolisé ingurgités entre Noël et le jour de l’an, mais le milieu culturel vie une situation de plus en plus préoccupante. Une situation inquiétante et surtout trop souvent banalisée.

« On en vient à penser que c’est un passage obligé, le lot de la profession, l’épreuve du feu ».

un passage obligé?

En prenant le temps de faire un petit sondage autour de moi, je constate que presque tout le monde que je côtoie a déjà vécu, à un moment ou un autre, un épisode de fatigue extrême. Non seulement 100 % de ces gens avaient déjà goûté à cet affreux sentiment de perte de contrôle, mais certains avaient même dû continuer à travailler malgré une prescription d’arrêt de travail du médecin, n’ayant pas trouvé les bonnes conditions pour quitter. D’autres refusaient de consulter, de peur de se retrouver en arrêt de travail et de mettre leur organisme en péril. C’est tellement devenu courant que le phénomène en devient banalisé. On en vient à penser que c’est un passage obligé, le lot de la profession, l’épreuve du feu.

Une malheureuse question d’argent

Tout comme le milieu communautaire, le milieu culturel se distingue tristement par ses salaires ridiculement bas pour la charge de travail et l’expertise nécessaire, par une absence quasi généralisée de filet social, d’assurances collectives, de REER ou même de contrats de travail. C’est toujours moins de 1 % du budget national qui est affecté à la culture, une situation qui perdure depuis des dizaines d’années. Le travailleur culturel, devant des symptômes alarmants de fatigue, doit soit se cacher la tête dans le sable et demeurer en poste pour conserver son revenu, ou quitter et mettre en péril l’organisme pour et dans lequel il est engagé, pour vivre sans revenus le temps de recouvrer la santé. Comment reprendre des forces quand l’anxiété de n’avoir aucune rémunération te prend à la gorge?

« […] continuer à travailler malgré une prescription d’arrêt de travail du médecin, [parce qu’on ne trouve pas] les bonnes conditions pour quitter ».

Une lourde charge mentale

Culture Bas-Saint-Laurent a fait la tournée des MRC en juin dernier. Nous y avons vu beaucoup de fatigue, des gens qui parfois tiennent seuls des organismes, des bâtiments patrimoniaux et des musées qui menacent de s’écrouler. Quand tu es seul à la barre d’un organisme culturel, parfois l’unique lieu culturel d’un village, est-ce que tu peux te permettre de tout laisser tomber, de laisser passer ne serait-ce qu’une seule date de demande de subvention?

Pourquoi continuer de travailler dans le milieu culturel si les conditions y sont si mauvaises? 

Pour parler pour moi, je peux dire que c’est par passion. La culture n’est pas qu’un divertissement, c’est un vecteur de santé. Un individu côtoyant la culture devient un citoyen créatif, impliqué, curieux. La culture est aussi un moteur de développement économique, un facteur de rétention et d’attraction.

En attendant que le gouvernement reconnaisse qu’il faut agir et soutenir ces milliers de travailleurs au bord du gouffre, nous tenterons de faire un bout de chemin en prenant part à la réflexion. Une réflexion que nous souhaitons aussi faire avec vous, pour que nous puissions ensemble nous nourrir des points de vue et expériences de tous. Vous êtes les bienvenus de vous prononcer via ce blogue.