Date de publication :

03/04/2019

Modifié le :

03/04/2019

Un choix individuel pour une vision collective : vraiment ?

Je surveille de près le projet de relocalisation de la Coopérative Paradis depuis mon arrivée au BSL en 2009. Dix ans plus tard, les discussions en cours autour du projet de la Grande Place dans lequel s’inscrit la Coopérative Paradis me troublent profondément.

Je peux comprendre qu’il n’est pas simple de perdre des acquis et de mettre des investissements à risque pour les propriétaires riverains qui ont des intérêts personnels dans cette situation, mais j’ai du mal à imaginer que cela puisse dépasser l’opportunité d’affaires et les bénéfices à long terme du projet présenté.

J’ai aussi crainte qu’en voulant prendre une décision à portée collective par une addition de décisions individuelles, on s’enlise dans cette suite de décisions impossibles et que nous baissions collectivement les bras. Le maire de Rimouski nommait bien cela cette semaine; il faut penser au bien commun. Mais comment si le processus de décision n’est pas collectif? Ce processus était peut-être ajusté dans les années soixante, mais aujourd’hui, un processus de décision par consensus ou à majorité ne serait-il pas plus porteur pour la vision de l’ensemble des propriétaires riverains et les citoyens?

Ailleurs au Québec, les acteurs d’avant-garde en immobilier surveillent de près les artistes. En effet, les quartiers où les artistes s’installent deviennent vite des espaces prisés et recherchés par la population. En 1989, à Québec, «Le conseil municipal a donc décidé de miser sur ces artistes en élaborant des programmes qui leur permettraient d’exercer leur métier dans les meilleures conditions possible» (Leclerc, Yvon, 2014). La Fonderie Darling, un centre en arts visuels, joue un rôle important depuis 22 ans dans la revitalisation du quartier industriel Griffintown à Montréal, maintenant un des plus prisés par les investisseurs. Partout, les artistes sont des visionnaires de la revitalisation urbaine et des acteurs de premier plan pour attirer de nouveaux citoyens.

Je suis profondément attachée à notre territoire, à cette chance que nous avons de vivre dans ces paysages. Par contre, je ne peux qu’être en colère de voir que les lieux les plus propices à la contemplation de notre fleuve au centre-ville soient habités à longueur de jour par des voitures vides qui regardent l’horizon. En 2019, alors que nous ne pouvons plus baisser les yeux sur l’urgence climatique, nous savons que cette situation n’est pas envisageable à long terme. Nous savons également que si Rimouski se veut attractive pour les jeunes, nous devons porter ensemble une vision d’une ville plus verte et plus rassembleuse. Le projet que soutient la Ville s’inscrit dans cette vision.

La Coopérative Paradis incarne cette vision. «En outre, Rimouski pourrait devenir un exemple de développement durable en culture si les choix publics qui accompagnent ce développement allaient dans le même sens que ceux proposés par les artistes et les acteurs culturels locaux, qui seraient eux-mêmes à la base de ce dynamisme. » (Virginie Proulx, 2013). Partout dans le monde, les musées, le patrimoine bâti et les architectures «signatures» sont des attraits incontournables qui offrent des apports touristiques et économiques incontestables, mais nous, qu’attendons-nous?

La Coopérative Paradis est un des principaux atouts de la ville de Rimouski et ce, même dans son lieu actuel qui pourtant, tient difficilement debout. Non seulement la Coop a fait ses preuves en termes d’attractivité et de rétention de travailleurs culturels et d’artistes professionnels depuis sa fondation en 2005, elle ne fait que croître depuis, rassemblant aujourd’hui 17 organismes culturels de toutes les disciplines. Malgré le fait qu’elle ne reçoit pas de soutien récurrent au fonctionnement du ministère ou des Conseils des arts, elle offre un espace et des services qui permettent à nos artistes de créer ici, de tisser l’identité culturelle et artistique rimouskoise et bas-laurentienne. Elle est également reconnue partout au Québec comme un modèle innovant. Les artistes réalisent l’improbable et l’inattendu, attirent les regards et l’intérêt de ceux et celles qui cherchent la rareté, qui cherchent l’expérience et la rencontre. N’est-ce pas là une contribution alléchante à cette vision d’un avenir qui donne envie de rester ou de venir s’y installer?

Nous sommes en train de choisir collectivement des stationnements, vraiment? Qu’adviendra-t-il de Rimouski dans 20 ans si nous n’osons rien aujourd’hui?

Une manifestation citoyenne POUR la revitalisation du centre-ville et la relocalisation de la Coopérative Paradis aura lieu le mercredi 10 avril de 12 h à 15 h autour de la Grande Place à Rimouski.
Nous invitons TOUS les citoyens de Rimouski à se joindre à nous et à partager l’information!

Lien vers la pétition initiée par une citoyenne de Rimouski pour le projet de revitalisation de la Grande Place

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Références :

Coopérative de solidarité Paradis : http://www.coop-paradis.com/

Leclerc, Yvon (2014) https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/410433/revitalisation-urbaine-la-culture-ou-les-artistes

Fonderie Darling : http://fonderiedarling.org/La-Fonderie-Darling-dessus-dessous.html

Proulx, Virginie (2013). La place de la culture dans le développement territorial durable : analyse thématique des discours d’acteurs locaux à Rimouski. Thèse. http://semaphore.uqar.ca/1007/