Communiqué de presse de la Société québécoise d’Ethnologie
Diffusé le 25 octobre 2024
Le Prix Jean-Simard couronne des projets qui mettent à l’honneur la démarche ethnologique et soulignent l’immense apport de celle-ci au patrimoine culturel. La Société québécoise d’ethnologie (SQE) décerne cette nouvelle distinction pour la première fois cette année.
Le jury avait un beau défi devant lui. Des candidatures nombreuses et de qualité nous sont parvenues d’horizons variés : musées, citoyens, organismes communautaires, artistes et chercheurs se sont reconnus dans la philosophie de Jean Simard, dont le travail de terrain a l’heur de marier recherche scientifique, communication et engagement social. Plusieurs candidats ont démontré qu’ils suivent la même intuition et que, sans nécessairement être des spécialistes de l’ethnologie, ils savent cultiver l’esprit de cette discipline. Nous les en félicitons.
Cette année, deux projets se sont démarqués du lot. Le jury est fier de remettre le Prix Jean-Simard 2024 au Pôle culturel du Monastère des Ursulines et d’attribuer une mention honorable à Sophie Poulin de Courval, en reconnaissance de leur engagement à faire de la transmission une force motrice de leur action, dans le respect de leur milieu et en posant un regard créatif sur leur objet.
Échos du chœur, par le Pôle culturel du Monastère des Ursulines
Le Pôle culturel du Monastère des Ursulines a lancé en 2021 l’expérience Échos du choeur. Ce dispositif de médiation culturelle fait découvrir sous un jour nouveau la chapelle historique des Ursulines, dans le Vieux-Québec. Alliant, sur une bande audio à 360 degrés, des témoignages de religieuses, des extraits musicaux et des captations sonores, Échos du choeur propose aux visiteurs un parcours audioguidé immersif et intimiste qui redonne au lieu son caractère habité, quelques années après le départ des Ursulines de leur monastère.
Le jury a été impressionné par la haute tenue du projet ; véritable entreprise d’ethnologie appliquée, il a mis à contribution les membres de la congrégation à toutes les étapes de la réalisation. Ce volet consultatif et participatif, qui prend notamment la forme d’entrevues individuelles sur place et d’une entrevue de groupe, confère au projet une double importance pour la recherche – quatre heures d’enregistrement ont été déposées aux archives, déjà riches d’enquêtes orales également exploitées dans le montage final – et pour la transmission de la mémoire. À l’heure de la baisse démographique des communautés religieuses, le jury a apprécié la volonté du Pôle culturel du Monastère des Ursulines de rendre accessible aux citoyens et aux touristes, sur un mode sensible, la parole généreuse de ces femmes naguère cloîtrées. Le résultat est une création sonore d’actualité où se répondent des patrimoines matériel et immatériel d’une grande valeur (www.polecultureldesursulines.ca).
Viens que j’te raconte, par Sophie Poulin de Courval
La musicienne et artiste Sophie Poulin de Courval a conçu le projet Viens que j’te raconte à l’aube du centenaire de Saint-Joseph-de-Kamouraska, où elle réside. Elle a érigé dans le village cinq cabines téléphoniques, objets à la fois familiers et incongrus dont l’irruption dans le paysage piquait la curiosité des passants. Ceux-ci étaient invités à décrocher le combiné pour entendre une histoire racontée par celui ou celle qui en a été témoin.
Le jury salue un projet citoyen exemplaire et lui accorde une mention honorable. S’appropriant la démarche ethnologique avec originalité et humour, Sophie Poulin de Courval a permis au public de se familiariser avec quelques épisodes de l’histoire locale et avec des coutumes et traditions en voie de se perdre. Ses informateurs en tirent une gratitude et une fierté qui rejaillissent sur toute la communauté, comme le prouve l’adhésion emportée par son installation d’art public à l’échelle régionale (sophiedecourval.wixsite.com/sophie).
Un mot de Jean Simard
Le prix Jean-Simard 2024 a été décerné lors d’un événement tenu le 20 octobre 2024 au Manoir Mauvide-Genest. Au moment de remettre aux deux lauréates la récompense qui porte son nom, Jean Simard les a félicitées en ces termes :
Elles ont fait la démonstration que la cueillette sur le terrain des savoirs et des savoir-faire de leurs détenteurs et leur mise en ordre par le chercheur ne constituent en fait que la moitié de la tâche de l’ethnologue conscient de ses responsabilités sociales et professionnelles. L’autre moitié, d’égale importance, consiste à redonner à la communauté, mais de façon réorganisée, les savoirs et savoir-faire qu’elle lui a confiés. Ce retour peut s’effectuer de façon passive, comme par exemple en publiant les résultats de la recherche, mais il peut aussi se faire de façon active, c’est-à-dire avec la participation des enquêtés. Cette démarche “bouclée” a pour nom recherche-action, dont la spécificité est de générer l’action par la recherche et la recherche par l’action. Cette démarche, qu’ont suivie nos lauréates, apparaît aux ethnologues comme un impératif d’ordre éthique qui investit désormais la méthode elle-même.
Membres du jury
Pour sa première édition, le jury du prix Jean-Simard était composé de Benoit Vaillancourt (président), Jean-François Blanchette, Richard Dubé, Jocelyne Mathieu et Laurence Provencher-St-Pierre*.
*Les membres du jury qui ont un lien personnel ou professionnel avec un candidat se retirent de l’évaluation de la candidature concernée.