Date de publication :

14/01/2020

Modifié le :

14/01/2020

Qu’est-ce que le marketing expérientiel ?

Je me suis rendue, jeudi dernier, à une formation sur le marketing expérientiel, organisée par Exploration – Cocréation, à Rimouski. Y allant pour remplacer une collègue et arrivant, tant bien que mal, avec un peu de retard, je n’avais alors pas idée de ce qui captiverait – ou terrifierait- mon après-midi.


« L’effet waouh » ou la promesse d’une campagne publicitaire mémorable

Ici, un libraire parfume son magasin au chocolat et il vend plus, là-bas, une marque de sport offre, dans le métro, des coupons de réductions à celui qui privilégie les escaliers aux ascenseurs et sa clientèle bondit… Le formateur nous interpelle ainsi, avec plusieurs vidéos de campagnes publicitaires plus créatives et déroutantes les unes des autres. L’auditoire est ébloui. Notre instructeur réussit son pari : il nous convainc de l’efficience de son cheval de bataille, le marketing expérientiel.

Le cas de la culture. Se référant à l’expérience, cette forme de marketing créatif se rapproche sensiblement d’une pratique artistique. Il semble alors épouser à merveille la promotion d’œuvres culturelles, en associant dans un même élan la forme et le fond du sujet qu’il soutient.


Mais que nomme-t-on marketing expérientiel et comment l’utiliser ?

Le marketing expérientiel recherche la surprise, l’admiration ou l’appréciation de la part du consommateur pour un produit, un service ou une campagne publicitaire. Il doit susciter un frisson intérieur, une excitation extérieure, autrement dit, un beau et grand « waouh ». Pour cela, les deux techniques suivantes sont utilisées. D’une part, la sollicitation de plusieurs ou tous nos sens. Du lever au coucher, nos journées sont jalonnées de sollicitations publicitaires. L’important pour le commercial c‘est d’être celui dont on se souvient : l’élu de notre mémoire. Mais comment procède-t-il ? La mémoire est activée par l’ensemble des sens, dont en particulier l’odorat, qui évoque très subtilement le vécu. Ainsi, une approche multisensorielle, qui passe par l’expérience, le ressenti et l’appropriation, est efficace. D’autre part, l’amusement. Quand une marque arrive à rendre plaisant un moment lassant, alors on l’aime. L’amusement nous fait retenir les marques qui nous le procurent, de même que le caractère ludique de certaines publicités nous incite à les côtoyer, plutôt que de les fuir.
C’est donc en mobilisant nos sens et en proposant des événements ludiques que les marques colorent nos esprits.
 

La valeur ajoutée du marketing expérientiel : une exaltation du quotidien ?

La publicité est souvent perçue comme de la pollution visuelle et sonore alors que le marketing expérientiel veut nous amener ailleurs. On gagne en esthétisme et les expériences qu’il nous propose sont réelles et vécues. Cette forme de publicité tend à réveiller nos sens, à nous procurer du plaisir et à nous connecter avec notre environnement.

Mais les marques ont-elles vraiment pour mission d’enchanter nos vies ? Où est la contrepartie ?

Des limites éthiques au marketing expérientiel ?

« Si l’Homme ne façonne pas ses outils, les outils le façonneront. », Arthur Miller.

L’avantage promotionnel du marketing expérientiel, c’est qu’il engendre chez le consommateur – en lui saisissant les tripes- des achats compulsifs et une perte de rationalité face aux prix. Les marques peuvent donc vendre plus et plus cher. Mais encore, le marketing expérientiel s’immisce dans votre corps, stimule vos sens, vous émeut. Je ne peux m’empêcher d’y voir un lien direct avec la notion de pathos (persuasion), définie par Aristote. Cette technique de la rhétorique, connue depuis l’Antiquité grecque, permet l’adhésion d’un public à une idée contestée et qui ne peut bénéficier d’une démonstration logique et rationnelle. Pour se faire, le pathos, tout comme le marketing expérientiel, se base sur la stimulation des émotions pour provoquer l’adhésion. À titre d’exemple (peu rassurants), les discours populistes se fondent toujours sur le pathos.

Consentons-nous à donner le droit aux marques de troubler nos sens pour jouer sur nos choix et actes (d’achat en l’occurrence) et sur notre psyché (compulsion, rationalité) ?

Ne sommes-nous pas en train de glisser dans une forme d’infantilisation totalisante et d’atteinte à notre liberté ?

Si l’outil a peu d’importance, l’usage, lui, doit être questionné.

Culture et marketing expérientiel : un duo gagnant ?

À mes yeux, le marketing expérientiel ouvre un champ de possibles en culture, à interroger. Artistes et travailleurs culturels, il me semble que nous n’avons ni le besoin, ni l’envie de nous inscrire dans une logique capitaliste exacerbée. En effet, l’art et la culture ne seront jamais des biens de consommation standardisés : ils nous échappent. Dès lors, plus que de promouvoir, nous nous consacrons à émouvoir. Éveiller l’attention et fédérer autour de nos projets est une tâche nécessaire : faire appel au marketing expérientiel est une manière novatrice d’y répondre. Dans la mesure où nous questionnons ses méthodes et où nous l’adaptons, il nous permet d’offrir une promotion pertinente. Il ne s’agit pas, ici, de vendre, mais de transmettre. Libre à nous de nous en emparer !

 

Merci à ma collègue Marie-Pier Morin et ses conseils avisés pour l’écriture de ce billet.